La CODEL estime que le scrutin du 29 novembre 2015 s’est bien déroulé. A travers cette déclaration, elle invite les candidats et les populations a accepter le verdir des urnes et à préconiser les voies de recours en cas de contestations.

DECLARATION PRELIMINAIRE

SITUATION ROOM ELECTORALE DE LA CODEL

ELECTIONS PRESIDENTIELLE ET LEGISLATIVES DU 29 NOVEMBRE 2015

Un Scrutin couplé Apaisé

Ouagadougou, le 30 Novembre 2015

I. INTRODUCTION

Les élections générales du 29 novembre 2015 du Burkina Faso constitueront le point d’achèvement du processus de transition amorcé à la suite de l’insurrection populaire d’octobre 2014. Une centaine d’organisations et coalitions ont convenu le 3 juillet 2015 de mettre en place la Convention des Organisations de la Société Civile pour l’Observation Domestique des Elections (CODEL). Sous l’impulsion de Diakonia, du National Democratic Institute (NDI), de Open Society Initiative for West Africa (OSIWA), du European Centre for Electoral Support (ECES) et de One World UK, les organisations de la société civile ont décidé de la mutualisation de leurs projets de monitoring et d’observation des élections à travers la mise en place d’une plateforme pour un suivi harmonisé, proactif et citoyen du processus électoral. La situation Room de la CODEL est installé au Splendid Hôtel depuis le 23 novembre 2015 pour suivre l’ensemble du processus électoral.

Le 29 Novembre 2015, la CODEL a déployé 6000 observateurs et observatrices dont 251 piquets selon un échantillon statistique, aléatoire, et représentatif couvrant chacun des régions et des provinces du territoire national. 45 points focaux provinciaux de centralisation sur l’ensemble du territoire national et une équipe de veille et d’analyse de 60 jeunes mobilisés pour la collecte, l’analyse et le traitement des données. Une trentaine de leaders de la société civile et d’experts burkinabè et africains ont animé les chambres intermédiaires et de décision s’inspirant des expériences récentes de Situation Room et de Comptage Rapide des Votes. Cette observation citoyenne a été utilisée avec succès dans plusieurs pays : la Cote d’Ivoire (2015), Ghana (2012 et 2008), le Nigeria (2015 et 2011), le Malawi (2014 et 2009), le Kenya (2013 et 2010), le Senegal (2012), la Tunisie (2014) et la Zambie (2011 et 2008).

Les données recueillies par la Chambre Technique, à partir des informations émanant des observatrices, observateurs et superviseurs, analysées par la Chambre d’Analyse, ont permis à la Chambre de Décision de se faire une opinion sur le déroulement du scrutin et d’enclencher les actions nécessaires en vue d’apporter rapidement les correctifs idoines. Ces informations ont été ainsi remontées aux commissaires de la CENI aux niveaux central et provinciaux. Ces derniers ont aussitôt pris les décisions appropriées pour le règlement des dysfonctionnements. Pour tous les cas remontés à la CENI, le mécanisme de suivi au sein de la Situation Room du traitement fait a pu confirmer l’effectivité des corrections.

Dans un cas de figure, un délégué du Conseil Constitutionnel, sur saisine de la Chambre de Décision, est intervenu pour régler une situation conflictuelle.

 

II- CONSTATS PRELIMINAIRES

Du processus électoral qui a conduit aux élections du 29 novembre 2015, des faits marquants et des motifs de satisfaction sont à noter. Des dysfonctionnements ont été constatés et donnent lieu à la formulation de recommandations à l’endroit des différentes parties prenantes.

2-1- Les faits marquants 

2-1-1 La confection de la liste électorale

Le processus de confection de la liste électorale a abouti à l’audit du fichier par l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Le fichier biométrique qui comptait 5 485 686 électeurs a été déclaré fiable même si des recommandations ont été adressées visant son amélioration. La tentative de coup d’Etat de l’ex Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP) a donné lieu à la prise en compte de nouveaux électeurs dans le fichier du fait des modifications du calendrier électoral.

2-2-2 L’organisation et le fonctionnement de la CENI

L’organe en charge de l’organisation de la CENI a fait montre d’une bonne collaboration avec les différents acteurs du processus électoral. Les rencontres d’informations et de concertation ont souvent concerné la société civile, les médias et les partis politiques. L’appui des partenaires techniques et financiers du Burkina Faso a par ailleurs concouru à une bonne organisation du travail de la Commission Electorale nationale Indépendante (CENI).

2-2-3 La campagne électorale menée par les acteurs politiques

La CODEL a constaté que les candidats ont largement fait montre de retenue et de responsabilité lors de la campagne électorale. Les activités de campagne se sont déroulées de manière courtoise dans l’ensemble. Avec l’interdiction de la distribution et du port des gadgets, la campagne électorale a été marquée par des débats autour des programmes politiques. Des initiatives innovantes ont été menées pour informer les citoyens des programmes politiques des candidats/candidates et susciter des débats allant dans le sens de faciliter la prise de décision des électeurs/électrices quant aux choix de leurs candidats.

2-2-4 Les activités d’éducation civique électorale

Plusieurs mois avant les scrutins, les organisations de la société civile ont mis en œuvre des actions d’information et de sensibilisation électorale à l’endroit des populations. Plusieurs partenaires techniques et financiers ont ainsi soutenu ces initiatives en faveur de la participation citoyenne au processus électoral. Les médias ont à ce niveau joué un important rôle dans la sensibilisation et l’éducation civique des électeurs.

2-2-5 La mobilisation de la société civile

Les organisations de la société civile ont bien vite pris la mesure des enjeux des élections de 2015. Le Programme d’Appui au Processus Electoraux (PAPE) a eu le mérite de coaliser les projets de monitoring du processus électoral. La CODEL qui est née de cette initiative fédère une centaine d’organisations de la société civile.

 

2-2- Motifs de satisfaction 

La CODEL félicite les organisations de la société civile et les acteurs du processus électoral pour les efforts d’information et d’éducation électorale des populations, consentis plusieurs mois avant les élections. Des canaux différenciés ont été utilisés pour éduquer les électeurs et électrices à s’inscrire sur les listes électorales, à retirer les cartes d’électeurs/électrices, à analyser les programmes politiques et aller voter de manière pacifique le jour du scrutin.

Du monitoring de la campagne électorale, la CODEL avait des motifs de satisfaction relativement aux points suivants :

Le déroulement paisible de la campagne électorale

La CODEL félicite l’ensemble des acteurs (autorités de la transition, CENI, CSC, acteurs politiques, candidats, autorités religieuses et coutumières, CEDEAO, Union Africaine, communauté internationale) qui ont contribué de manière significative au climat apaisé de la campagne électorale. Elle fait sienne des messages d’apaisement prononcés par l’ensemble des acteurs. En outre, la CODEL tient à souligner la valeur ajoutée de la signature du pacte de bonne conduite par les acteurs impliqués dans le processus électoral sur initiative du Conseil Supérieur de la Communication (CSC), le 21 Août 2015, qui a concouru à un déroulement pacifique du processus.

Le comportement de l’Administration et de la CENI

La CENI s’est jusque-là efforcée de s’acquitter dans les meilleures conditions de toutes les taches à lui échues, en parfaite intelligence avec toutes les autres parties prenantes du scrutin. Dans l’ensemble, les opérations de distribution des cartes d’électeurs et de publication des listes électorales ont été satisfaisantes. La CENI a fait montre d’un bon esprit de collaboration non seulement avec les candidats et partis politiques, mais aussi avec tous les autres acteurs. La CODEL salue particulièrement l’ouverture et la disponibilité à l’endroit de la société civile.

Le comportement des acteurs politiques

Les acteurs politiques ont largement fait montre de retenue et de responsabilité tout au long de la campagne électorale. Ils ont également tenu à respecter les dispositions du Code Electoral, démontrant ainsi la maturité du peuple burkinabè.

La participation des femmes

La CODEL se réjouit de la présence de deux femmes candidates au scrutin présidentiel et un nombre appréciable de femmes au scrutin législatif et du traitement égal dont elles ont bénéficié à tous les niveaux. Les données d’observation ont fait ressortir que sur l’ensemble du territoire, 14% des présidents des bureaux de vote étaient des femmes. 44% des présidents de bureaux de vote étaient des femmes dans la région du Centre et 28% dans les Hauts-Bassins. 32% des bureaux de vote comptaient une femme, 26% deux femmes, 19% trois femmes et dans 5% des bureaux les quatre membres sont des femmes. Cependant, 19% des bureaux de vote n’avaient aucun agent femme. La CODEL saisit à nouveau cette occasion pour les féliciter et encourager davantage l’implication des femmes aux processus démocratiques.

La couverture médiatique de la campagne

La CODEL s’est réjouie du renforcement des capacités des journalistes et la mutualisation des temps d’antennes pour des émissions politiques et citoyennes. Cela a permis aux medias d’adopter un comportement responsable en prêtant une attention particulière a la non diffusion de propos haineux ou de nature à susciter des tensions.

La sécurité et la sécurisation du vote

La CODEL se félicite de la présence effective d’agents de sécurité devant tous les bureaux de vote sur toute l’étendue du territoire. Les forces de l’ordre ont fait montre d’un professionnalisme qui a favorisé un déroulement paisible et sécurisé du scrutin. Leur présence par ailleurs visible et remarquée dans les toutes localités du pays ont contribué à rassurer les citoyens.

2-2-7- Les opérations d’ouverture des bureaux de votes 

Sur la base des rapports de 99% des observateurs déployés dans toutes les 13 régions et 45 provinces, la CODEL a constaté que les procédures d’ouverture des bureaux de vote ont été respectées dans 97% des bureaux de vote. Le matériel nécessaire était disponible dans 91% des bureaux de vote. Le bon déroulement dans l’ensemble des procédures de vote des différents scrutins devrait contribuer accroitre la crédibilité de l’élection et réduire les facteurs de crise à la proclamation des résultats.

2-2-8- La présence des membres des bureaux de votes

Dans 94% des bureaux de vote, la présence de l’ensemble des membres de bureaux a été enregistrée. Cette présence effective a été un facteur important dans le déroulement du processus électoral et témoigne de l’engagement des membres des bureaux de vote à accomplir efficacement leur devoir.

Les procédures de vote ont été du reste largement respectées, ce qui dénote d’une bonne formation des membres des bureaux de vote.

2-2-9 Les opérations de dépouillement

  • Les résultats étaient affichés devant le bureau de vote dans 90% des bureaux de vote ;
  • Les délégués des candidats présents ont reçu une copie des résultats dans 93% des bureaux de vote ;
  • Le nombre d’émargement correspondait au nombre de bulletins trouvés dans l’urne dans 95% des bureaux de vote ;
  • Les délégués des candidats et les membres du bureau de vote ont tous signé le procès-verbal dans 96% des bureaux de vote ;
  • Au moins deux scrutateurs ont été choisis pour le bureau de vote dans 98% des cas ;
  • Les membres du bureau de vote ont noté le nombre d’électeurs ayant signé la liste d’émargement dans 99% des bureaux de vote ;
  • La décision d’annuler un bulletin était toujours prise par consensus dans 99% des bureaux de vote ;
  • Les enveloppes destinées aux autorités compétentes étaient sécurisées dans tous les bureaux de vote à 100% ;
  • Le dépouillement a eu lieu en public dans tous les bureaux de vote (100%),sur la base des rapports de 228 sur 251 bureaux de vote ;
  • 85% des observateurs PVT de CODEL ont signalé que le processus était très satisfaisant et satisfaisant. Seulement 2% des observateurs PVT de CODEL ont signalé que le processus n’était pas satisfaisante (rapports de 231 sur 251 bureaux de vote).

La marge d’erreur est d’environ 6% pour les données sur la fermeture et le dépouillement.

La CODEL a constaté avec satisfaction que des efforts notables ont été accomplis par la CENI et ses démembrements en matière de respect des procédures légales régissant les opérations de dépouillement.

La CODEL salue particulièrement l’attention accordée aux personnes vivant avec un handicap qui ont bénéficié de l’assistance des membres des bureaux de vote dans l’accomplissement de leur devoir civique.

La CODEL a constaté avec satisfaction que des efforts notables ont été accomplis par la CENI et ses démembrements en matière de respect des procédures légales régissant les opérations de vote. Elle salue particulièrement l’attention accordée aux personnes vivant avec un handicap qui ont bénéficié de l’assistance des membres des bureaux de vote dans l’accomplissement de leur devoir civique.

 

2-3- Dysfonctionnements et insuffisances constatés

La CODEL a enregistré un certain nombre de dysfonctionnements :

2-3-1 Le manque d’affichage des listes électorales

La liste des électeurs n’était pas affichée dans 76% des bureaux de vote. Même si cela ne constitue pas en soi une infraction à la loi électorale, l’affichage des listes devant les bureaux de vote aurait contribué à faciliter le vote des électeurs. Ceci d’autant plus que des changements de bureau de vote (suppressions ou rajouts) ont été faits sans que les électeurs concernes n’en aient été informés.

2-3-2 Le déficit de matériel électoral

Si dans une très large mesure, tout le matériel électoral nécessaire était disponible, il n’en demeure pas moins que pour 3% des bureaux de vote, la liste des électeurs n’était pas disponible. Il en était de même pour les scellés dans 2% des bureaux de vote.

Par ailleurs, toujours au niveau de la logistique, les manquements suivants ont été notés :

  • L’insuffisance ou l’absence de bulletins de votes dans certains bureaux ;
  • L’ouverture tardive de certains bureaux ;
  • L’absence de membres des bureaux de vote ;
  • La mauvaise indication de certains bureaux de vote ;
  • L’absence des forces de l’ordre dans des bureaux de vote ;
  • Les cas d’ecteurs inscrits sur une seule liste au lieu des deux listes (présidentielle et législatives) ;
  • Des erreurs dans la mise à disposition des feuilles de dépouillement ;
  • Le refus de certains présidents de bureaux de vote d’autoriser le vote des observateurs accrédités

 

Recommandations

Dans la perspective d’améliorer la qualité des élections au Burkina Faso, la CODEL formule les recommandations suivantes :

A l’Administration

  • Poursuivre la sécurisation de la suite du processus électoral ;
  • Continuer la collaboration avec tous les acteurs impliqués dans le processus électoral ;
  • Moderniser l’état civil afin de faciliter l’inscription des électeurs sur les listes électorales.

A la CENI

  • Poursuivre les activités d’éducation civique pour la suite du processus électoral ;
  • Organiser périodiquement la révision de la liste électorale ;
  • Collaborer avec les autres acteurs impliqués dans le processus en cas de contentieux ;
  • Afficher les listes électorales devant les bureaux de votes lors des prochains scrutins afin de faciliter l’orientation des électeurs et l’adoption de divers moyens d’identification des bureaux de vote ;
  • Prendre les dispositions idoines pour que le matériel électoral soit déployé à temps en lien avec les commissions locales et le personnel électoral mobilisé ;
  • Reconnaitre le mode d’observation statistique et faciliter le déploiement des observateurs piquets dans les bureaux de votes pour les prochains scrutins.

Aux candidats

  • Respecter le verdict des urnes exprimes par les burkinabè et suivre les voies légales de recours en cas de contestations ;
  • Sensibiliser leurs militants et sympathisants à l’acceptation des résultats et au fairplay ;
  • Respecter les dispositions du pacte de bonne conduite ;

Aux leaders d’opinion

  • De continuer à jouer leurs rôles de médiation auprès des différents groupes d’acteurs politiques et des citoyens.

Aux Organisations de la société civile et les medias

  • La multiplication des campagnes de sensibilisation des électeurs sur les procédures de vote tant par les OSC que les médias ;
  • Le renforcement des capacités des femmes en matière électorale et en leadership ;
  • Vulgariser le Protocole de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance et la Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance de l’Union Africaine.

Aux citoyen(ne)s

  • De s’approprier véritablement le processus électoral comme mode de sélection des gouvernants
  • De suivre de manière citoyenne la proclamation des résultats et à être des artisans de paix

 

CONCLUSIONS

Au regard des constats qu’elle a effectués sur le processus électoral, il ressort que :

  • Le peuple burkinabè a relevé le défi d’organiser ces scrutins historiques dans un climat apaisé
  • La société civile a effectué un monitoring proactif du processus électoral en contribuant à la correction de certains dysfonctionnements.
  • L’ensemble des acteurs du processus électoral ont joué leur partition dans le succès de ces scrutins

 

La CODEL appelle l’ensemble des candidats/candidates et des partis politiques à respecter le verdict des urnes et à user, le cas échéant, des voies légales en cas de contestation des résultats provisoires proclamés par la CENI.

Elle attire l’attention de tous sur l’intérêt de préserver la paix, la stabilité et la cohésion sociale conformément au pacte de bonne conduite signé par l’ensemble des candidates et candidats sous l’égide du Président du Faso.

La CODEL salue la mobilisation extraordinaire des observateurs et observatrices domestiques qui ont contribué à rendre crédible ce scrutin qui marque un tournant décisif dans l’histoire politique du Burkina Faso.

La CODEL remercie ses partenaires techniques : Diakonia, NDI, ECES, One World, OSIWA ; ses partenaires financiers: l’Union européenne, les Ambassades de Suède, du Danemark, de la France et la Confédération Suisse.

Pour la CODEL

Le Président

Me Halidou Ouedraogo