FESPACO 2023: Entretien sur les difficultés cinema africain avec Yacouba Traoré.

A la faveur de la 28e  édition du Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou, (FESPACO) qui se tiendra du 25 Février au 03 mars 2023, nous sommes allés à la rencontre de Yacouba Traoré, journaliste écrivain, passionné du 7e Art et de télévision. Avec lui nous avons échangé sur l’histoire du cinéma burkinabè et des difficultés auxquelles il fait face.

Journaliste émérite, écrivain, enseignant et surtout passionné du 7e Art, Yacouba Traoré à travers son émission « Ça tourne » à la Télévision Nationale du Burkina (TNB) a beaucoup baladé son micro sur plusieurs plateaux de tournage avec l’ancienne génération de cinéastes qu’il appelle affectueusement les « conquérants ». Avec lui nous avons fait le tour des difficultés du cinéma burkinabè et envisager les perspectives .

M. Traoré parlez-nous de l’évolution du cinéma burkinabè (ses débuts à nos jours).

Yacouba Traoré (YT): le cinéma Burkinabè a eu trois ou quatre périodes. A ses débuts dans les années 70 et 80 c’était comme du théâtre filmé, il n’y avait pas de découpage ni de séquence. c’était avec les pionniers tels que Mamadou Djim Kola avec son film « Le sang des parias » et « Sur le chemin de la réconciliation » avec René Yonli Bernard.

Ensuite il y’a eu l’arrivée des Idrissa Ouedraogo, Pierre Yaméogo et Gaston Kaboré qui ont été des conquérants. Il ont amené le cinéma burkinabè au sommet de son art et ont réussi à faire connaître le cinéma burkinabè et le faire exporter hors de nos frontières.
Après cela il y’a eu de petits balbutiements, ensuite une lueur d’espoir avec Valérie Kaboré et Appoline Traoré, Sékou Traoré, Dany Kouyaté… mais on sentait que ça déclinait. Actuellement le cinéma burkinabè a besoin réellement d’un second souffle. La preuve est que depuis belle lurette il n’y a pas de sélection officielle au festival de Cannes, ni au Fespaco.

  • Votre avis sur le Cinéma d’aujourd’hui comparé au Cinéma d’hier, en parlant des trois conquérants.

(YT): Idrissa, Pierre et Gaston étaient des passionnés. Ce que je leur reprochait c’était de cumuler les métiers du cinéma. La production c’est un métier à part entière et le réalisateur ne peut pas tout gérer sinon ça se ressent sur la qualité du travail. Entre temps les équipements de tournage sont devenus de plus en plus légers et de moins en moins coûteux. Je ne discrédite personne, mais parce que certains disposent d’équipements de tournage et de montage, ils pensent qu’ils sont cinéastes alors qu’ils ne le sont pas. C’est ça mon problème avec cette génération qui pense qu’il suffit d’avoir une caméra de savoir faire le zoom in et out pour être des cinéastes; ils sont pleins comme cela. Il y’a des films que je ne regarde pas, parce que j’ai l’impression que l’on a ouvert la caméra et on a laissé les acteurs jouer . On appelle ça du théâtre filmé.

Y a-t-il de l’espoir pour la nouvelle génération ?

(YT): Il y’a de la bonne graine forcément, mais il y’a plus de mauvaise graine que de bonne graine. Je ne vais pas citer de nom, mais c’est légion. Oui il y’a de l’espoir, la rose germe dans un tas d’ordures. Je considère une Appoline Traoré faisant partie de cette génération. On sent la passion en elle, même si je lui reproche d’être un peu trop pressée, mais c’est sûr qu’elle va y parvenir, malgré les moyens limités.

  • A t-on besoin de grands financement pour un bon rendu?

(YT): Non pas forcément. Notre cinéma a besoin de formation de financement et aussi de distribution. L’Institut Supérieur de l’Image et du Son (ISIS) n’a pas atteint ce que l’Institut Africain d’Education Cinématographique (INAFEC) a donné au Cinéma Africain, j’ai pas dit Burkinabè seulement. Il n’y aurait pas eu Idrissa Ouédraogo si n’y avait pas eu l’INAFEC. Avec l’avènement du numérique, les métiers du cinéma sont entrain de se démultiplier. Tant que l’accent ne sera pas mis dans la formation il y’aura toujours problème. Sembène Ousmane disait qu’il avait compris que s’il tourne il devait venir chercher ses techniciens au Burkina grâce à la formation de l’INAFEC.

Est ce que aujourd’hui l’État peut se targuer d’avoir une économie pour financer la production cinématographique?
(YT): Il attend tout simplement à l’approche des éditions du FESPACO, pour prendre de l’argent distribuer à des cinéastes. C’est pas du mécénat.
Aujourd’hui, il y’a également le manque de salles de Ciné, nous avons une salle de ciné à Ouaga 2000, ça fait quoi là-bas ? Les gens ont des « home cinéma ». le besoin est ailleurs. Je peux comprendre que les salles de ciné soient devenues des magasins de céréales dans certains pays africains mais pas à Ouagadougou la capitale
du cinéma africain. C’est inadmissible.

  • Y’a-t-il de l’espoir pour le Burkina de remporter l’Etalon de Yennega 26 ans après Buudyam de Gaston Kaboré?

(YT): Gaston Kaboré disait quand nous serons bon, nous allons transcender, donc donnons nous les moyens d’être bons.
Nous faisons du mégotage cinématographique et l’État a une grosse part de responsabilité. Il faut une bonne politique et des actions forte pour le cinéma burkinabè afin de maintenir sa place et c’est en celà que nous allons honorer les pionniers tels que Souleymane Cissé, Oumarou Ganda… tous ceux qui sont venus en 1969 pour le lancement de la première édition du FESPACO.

✍️Saratou Cissé