Après le bras de fer entre les étudiants et les responsables du CENOU, le SYNADEC prend position. Dans un communiqué, le Syndicat National Autonome des Enseignants Chercheurs du Burkina Faso (
« Les hommes désirent les bons princes et supportent les autres tels qu’ils sont. Se conduire autrement, c’est souvent se perdre et perdre également son pays », Machiavel
De plus en plus le mode de contestation du pouvoir et de l’ordre établi passe par la violence. Quand le pouvoir en place donne les apparences d’une figuration au sommet de l’Etat, des individus font voler en éclat la cité entendue comme une communauté politique de citoyens et font renaître l’état de nature qui sommeille en eux.
La fascination actuelle pour la violence est sans aucun doute l’indice d’une forme de cruauté fondamentale et radicale qui s’origine dans cet état naturel de l’homme. La communauté politique qui est selon Hobbes la garantie nécessaire et absolue contre les agressions des individus les uns envers les autres et envers le bien public perd le ressort moral qui fonde le droit de la coexistence pacifique.
Saccage de biens publics, prise d’otages, vandalisme, etc., sont les principaux mécanismes de la violence dans nos cités universitaires depuis ces trois dernières années.
Dans la crise actuelle, les étudiants ont commis l’infraction de forcer des portes, de les ouvrir sans les forcer (ce qui signifie que soit, ils détenaient les clés par devers eux, soit ils les avaient dupliqués, soit enfin ils disposaient de clés passe-partout). Dans tous les cas de figures, il s’agit de violations de la réglementation en vigueur.
Depuis l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, toutes les composantes sociales qui y ont pris part ont désormais voix au chapitre et l’expriment sans coup férir.
Il n’y a plus de situation exceptionnelle qui vaille que certaines composantes de la société fassent ce nécessaire sursaut patriotique pour garantir le minimum de paix, afin de réussir le modèle de démocratie qu’ensemble hommes et femmes, vieux et jeunes construisent et qui fascine bien d’autres peuples sur le continent et dans le monde entier.
Le sursaut patriotique est un devoir qui s’impose à tout citoyen quand la nation est en danger. Les insurgés de Kossodo n’ont pas intégré ce devoir citoyen dans leurs préoccupations.
Si, pour l’instant nous n’avons aucune preuve qu’il existe un lien entre le putsch avorté et l’attitude actuelle des étudiants. Si nous n’avons pas la preuve d’une quelconque manipulation, en dehors évidemment de la stratégie de tisser des alliances pour se couvrir contre l’immanquable férule judiciaire, nous pouvons au moins affirmer que les faits impunis produisent des récidives.
En décembre 2014, les élèves professeurs de l’IDS ont forcé la main du ministre pour limoger le Directeur Général et la Secrétaire Générale. Le succès a été si éclatant qu’il est tentant de le rééditer afin de s’assurer qu’on détient le pouvoir.
La réédition du même exploit consolide ce pouvoir conquis dans la violence et par la violence. Mais les étudiants en décidant d’agir contre l’ordre établi ont décidé de « se perdre et de perdre également le pays ». Qui y gagne dans cette violence qui fait reculer les échéances de la reconstruction nationale ? Ce qu’on gagne vaut-il le capital qu’on perd dans une contestation aussi idiote que le coup d’Etat du Général Gilbert Diendéré ?
Point n’est besoin de revenir sur les récits des événements largement racontés par les différents protagonistes, récits d’ailleurs contradictoires qui en disent long sur le dialogue des sourds. Rappelons néanmoins quelques faits.
Le Directeur du Centre Régional des œuvres universitaires (CENOU) du Centre chargé de la gestion des cités, dans un communiqué en date du 20 mai 2015 et rappelé le 25 juin 2015, diffusée largement dans les cités, portait à la connaissance des étudiants que la réouverture des cités et restaurants universitaires est fixée au jeudi 1er octobre 2015.
Entre le 25 et 30 septembre de chaque année, se tient la commission d’attribution et de réattribution des chambres aux étudiants. Avec la tentative du coup d’Etat, qui a déclenché la grève générale de tous les services publics et privés du pays, cette commission n’a pu se tenir. Quand les étudiants arrivent pour intégrer le 1er octobre la cité, le gouvernement avait repoussé la rentrée universitaire au 8 octobre.
Pour éviter que les étudiants déjà présents sur les lieux dorment en plein air, le Directeur général du CENOU donne des instructions au Directeur régional pour les loger dans un bâtiment affecté comme cité de vacances, en attendant qu’à partir du 5 octobre ils remplissent les formalités pour une intégration de la cité le 6 octobre.
Les étudiants refusent et optent pour la méthode forte. Non seulement ils intègrent de force la cité, mais ils vident les agents des bureaux de la direction générale et de la direction régionale et confisquent les clés. Ces agents se mettent en grève illimitée et risquent de ne pas avoir leurs salaires à la fin de ce mois parce que l’agence comptable est dans l’impossibilité de les traiter.
Or, parmi les insurgés, beaucoup perdent leur droit d’admission en cité universitaire et de nouveaux étudiants, en particulier les nouveaux bacheliers arrivant des provinces et même de la diaspora étaient éligibles. Par ce coup de force, ils entendent s’imposer à l’autorité dans l’occupation des chambres en cité et privent du coup leurs camarades les plus vulnérables parce que les plus nouveaux de bénéficier de ces œuvres sociales.
Retenons que les étudiants n’ont pas voulu comprendre qu’il y a eu une situation exceptionnelle créée par les putschistes du RSP et que tout le pays a été paralysé par le soulèvement de résistance ; que la nation tout entière était préoccupée par le retour au calme et à la stabilisation des institutions.
Ils peuvent peut-être comprendre, mais il faut avoir expliqué longuement, des heures durant sans la certitude qu’eux et l’administration, cette hydre qui les empêche de tourner en rond, puissent tomber sur un accord.
Leur droit, qui est loin d’être prouvé pour la plupart des contestataires, passe pourtant avant tout. Sur les presque 90 000 étudiants des universités publics, le problème de quelques 300 qui ont vandalisé la cité de Kossodo doit-il paralyser tout le pays ?
La crise actuelle révèle que les atermoiements de l’autorité tue le pouvoir de l’autorité. Or, il faut à l’autorité la force pour faire régner l’ordre. Hobbes rappelle d’ailleurs qu’il n’y a « pas de communauté politique sans une violence qui la fonde et la soutienne.
De manière primordiale, l’ordre institué dans les communautés humaines constitue une garantie contre la violence originelle de la mort ».
L’autorité doit donc savoir que contre la violence de désordre, il doit recourir à la violence légale. Contre la violence du RSP par le coup d’Etat, c’est le peuple entier qui lui a opposé sa violence légitime. Et il fut démantelé et supprimé. Pour ce cas isolé, on n’a pas besoin que le peuple tout entier se soulève. Il appartient à l’autorité de s’imposer pour que revienne le calme.
Le SYNADEC
- Condamne fermement la méthode utilisée par les étudiants pour réintégrer les cités universitaires.
- Invite le ministre des enseignements à affirmer son autorité en prenant toutes les dispositions pour que les cités illégalement et anarchiquement occupées soient libérées.
- Exige du gouvernement de la transition la restauration de l’autorité de l’Etat dans toutes les universités, instituts, écoles supérieures et écoles professionnelles afin d’amener chacune de leurs composantes à s’y tenir à la place qui est la sienne et d’y rasséréner les esprits.
- Appelle à la mise en place d’une commission d’enquête pour situer les responsabilités dans la crise des cités universitaires et sanctionner les fauteurs de trouble à la hauteur de leur forfait. La sécurité à l’intérieur des campus universitaires en dépend.
Fait à Ouagadougou le 22 octobre 2015
Pour le SYNADEC
Le Bureau national